PORTRAITS DE CHAMPIGNONS

Roses, jaunes ou bleus, avec un chapeau, en assiette ou en corail, découvrez les champignons de Guyane et leurs formes extravagantes à travers les yeux d’une mycologue.

Chaussez vos bottes et vos lunettes et venez voir de plus prêt les champignons de vos forêts à travers les yeux et les photographies de Heidy Schimann, chercheure à l’Unité Mixte de Recherche EcoFoG (Écologie des Forêts de Guyane) à Kourou.

Si elle sillonne les forêts à la recherche de nouveaux spécimens, cette experte entre écologie microbienne et écologie des communautés travaille également en laboratoire pour extraire et identifier l’ADN des bactéries et champignons microscopiques cachés dans le sol. Grâce à cela, la biodiversité du sol n’a (presque) plus de secret pour nous, et nous permet également de mieux comprendre le fonctionnement des forêts tropicales, qui sont en étroite relation avec les communautés microbiennes du sol, invisibles mais indispensables.

Cookeina tricholoma

Reconnaissables au premier coup d’œil, ces petits bols (environ 2 cm) à l’aspect cartilagineux sont typiques du genre Cookeina. Ces champignons utilisent leurs chapeaux comme collecteurs de pluie et moyen de dissémination : grâce à la différence de pression d’eau dans les cellules lorsqu’il y a évaporation de l’eau contenue dans les urnes, la fine membrane au somment des cellules reproductrices (les asques) se brise, libérant alors les spores.

L’espèce Cookeina tricholoma se reconnaît particulièrement à sa couleur orange-saumon et à ses nombreux poils recouvrant l’extérieur du chapeau. Ces petites vasques ne viennent généralement pas seules, et il n’est pas rare d’en trouver des « bouquets » sur les branches mortes ou les troncs d’arbres en forêt

 

Retrouvez son portrait aquarellé réalisé par Nathan Macario sur la page « Cueillette virtuelle« .

Les Entolomes

 Entoloma sp.

Les Entolomes peuvent revêtir des formes très variées. Certains s’habillent d’un chapeau charnu porté par un pied vigoureux, comme le pâle Entolome livide (Entoloma sinuatum), d’autres au contraire paraissent plus chétifs, tel Entoloma dragonosporum dont le « couvre-chef » marron est soutenu par un long pied gracile à l’aspect fragile.

Si leurs formes sont variées, leurs couleurs le sont aussi : on passe aussi bien du bleu cyan (Entoloma hochstetteri), qu’à l’orange (Entoloma quadratum), au vert (Entoloma incanum) ou encore au noir corbeau (Entoloma corvinum).

Malgré toutes ces dissemblances, les Entolomes gardent des traits communs qui nous permettent de les reconnaître : leurs lames sont généralement adnées (reliées au pied sur toutes leur hauteur) ou échancrées (l’ensemble des lames forment un sillon plus ou moins creux autour du pied). Plus difficiles à voir mais également caractéristiques, les spores des Entolomes sont rosées et parées d’un réseau de crêtes anguleuses.

Essentiellement terricoles, on retrouve les Entolomes dans des habitats variés tels que les savanes, forêts ou encore en bord de route.

 

 

Retrouvez son portrait aquarellé réalisé par Nathan Macario sur la page « Cueillette virtuelle« .

Trametes modesta

Très répandu en Amérique du Sud, Trametes modesta se reconnaît à son chapeau plat marron-orangé  finement strié, percé de nombreux petits pores sur sa face inférieure.

Pouvant atteindre 6 à 7 cm de large, ce champignon ne dépasse par les 4 mm d’épaisseur et reste relativement flexible mais ferme, qu’il soit frais ou sec.

On le retrouvera sur les branches mortes et les souches des forêts humides, aidant à la décomposition et ainsi au recyclage des débris végétaux.

Les Marasmes

Marasmius sp.

Petits parapluies graciles, les Marasmes égayent discrètement nos forêts de leurs chapeaux colorés : vermillons, fuchsia (Marasmius haematocephalus), orange (Marasmius hypophaeus), gris (Marasmius griseoradiatus), marrons, blancs ou encore verts, ces champignons se reconnaissent à leurs petits chapeaux sillonnés aux bords ondulés cachant des lames souvent espacées et portés par un long pied filiforme.

Si les Marasmes sont parfois remarquables par leur couleur, ils ne le sont pas par leur taille : petits voire minuscules, ces champignons ne dépassent pas 4 cm de hauteur et 1 cm de diamètre.

Tiré du grec ancien « marasmos », leur nom signifie littéralement « dessèchement » du fait de leur capacité à reprendre leur forme initiale même après une dessiccation importante.

On les retrouve poussant sur les feuilles mortes ou les souches d’arbres qu’ils décomposent.

 

 

Retrouvez son portrait aquarellé réalisé par Nathan Macario sur la page « Cueillette virtuelle« .

Les Ascomycètes

Ascomycota

Moins connus que les Basidiomycètes (dits « champignons à chapeaux »), mais tout aussi vastes, les Ascomycètes compterait aujourd’hui 65 000 espèces. Ils restent toutefois assez méconnus du fait de leur taille discrète (parfois microscopique !) et de leurs mœurs cryptiques (fructifications parfois souterraines). Ainsi, le nombre d’espèces connues double tous les dix ans, et laissent donc présager de la richesse cachée de ce groupe !

Bien visibles ou microscopiques, souterrains ou hors du sol, en forme de disques, de massues, de petites vasques ou encore de filaments, les Ascomycètes sont des champignons très variés.  Pas étonnant donc que l’on retrouve dans ce groupe de nombreuses espèces phares que nous utilisons depuis la nuit des temps : levures de bière, de pain ou de vin, pénicillines pour la fabrication d’antibiotiques ou de fromages, mais aussi mets renommés tels que les truffes, les morilles ou encore les pézizes.

En association positive (symbioses avec des algues pour former les lichens ou avec les racines des arbres pour former les mycorhizes) ou négatives (phytopathogènes tels que l’oïdium, la pourriture grise ou le chancre), les Ascomycètes laissent rarement environnement « indifférent ». Nombre d’entre eux sont également des décomposeurs importants des débris végétaux, et tiennent une place centrale dans les cycles du carbone et de l’azote au sein des écosystèmes.


Caripia montagnei

Connu en anglais comme le champignon « nacelle de parachute », on reconnaît les Caripia montagnei à leurs chapeaux semblables à de petits gobelets blancs portés par de courts pieds marrons, l’ensemble ne dépassant pas 3 cm de haut et 5 mm de large.

Unique représentante du genre Caripia, cette espèce se retrouve dans les régions tropicales et subtropicales du continent Américain. On l’observe fréquemment dans les forêts de Guyane où elle pousse en groupe sur le bois mort.

Assez discret, ce champignon a pourtant su se faire remarquer par les composés actifs qu’il renferme : l’un (le caripyrin) semble pouvoir défendre les cultures de riz d’un champignon pathogène (Magnaporthe grisea) qui les nécrose, et d’autres (des polysaccharides) montrent  des propriétés anti-inflammatoires.

Camillea leprieurii

Retrouvé dans plusieurs forêts de Guyane (Kaw, Rémire-Montjoly, Matoury, Régina, Saül), Camillea leuprieurii se reconnaît aisément à sa forme tubulaire noire souvent blanchissante.

Fructifiant sur le bois, ce champignon tire en réalité le carbone nécessaire à sa croissance des relations symbiotiques qu’il entretient avec les plantes : c’est un mycorhizien. Dit endophyte, il vit à l’intérieur des racines des arbres et les aide à puiser les ressources du sol (eau et minéraux) dans les interstices que seuls les hyphes microscopiques peuvent atteindre.

Staheliomyces stinctus

Délicate dentelle annelée naissant d’un « œuf » violacé, ce champignon semble tout droit sorti d’un film fantastique. Mais la fantaisie semble se mélanger à la réalité dans les forêts guyanaises, où l’on y voit parfois émerger l’élégant Staheliomyces cinctus du sol forestier ou des souches d’arbres.

Mais la beauté de ce champignon n’a d’égal que sa puanteur : membre bien connu de la famille Phalalles, il est, comme les autres représentants de ce groupe, affublé d’une odeur fétide et d’une forme phallique.

Les effluves nauséabonds émanant de l’anneau visqueux attirent étonnamment certains insectes (Mélipones notamment) qui aident à la dissémination des spores contenus dans la masse gluante appelée glèbe.

Aussi surprenant par sa forme que par sa fugacité, Staheliomyces cinctus peut former en une nuit une fructification d’une quinzaine de centimètres de long, large comme un pouce !

La Pleurote rose

Pleurotus djamor

Rare champignon de Guyane à être reconnu pour sa valeur gustative, la Pleurote rose offrirait au palais un savant mélange de saveurs alliant viande et poisson. Sa texture naturellement moelleuse peut également devenir croustillante si elle est frite, lui donnant alors des allures de bacon !

Les champignons du genre Pleurotus, dérivé du grec « oreille de côté », se reconnaissent à leurs chapeaux attachés latéralement à un tronc ou une souche.

Plus particulièrement, la Pleurote rose se reconnaît à son chapeau ondulé et rosé, peu épais mais pouvant atteindre 5 cm de large

Présente surtout en zone tropicale et particulièrement en Amérique Centrale, la Pleurote rose n’est pas rare en Guyane : depuis Rémire-Montjoly jusqu’à Saül, en passant par Roura ou Tonnegrande, il semblerait qu’elle ait su conquérir une bonne partie de la Guyane…. Alors à vos paniers !

 

 

Retrouvez son portrait aquarellé réalisé par Nathan Macario sur la page « Cueillette virtuelle« .

Xylaria telfairii

Les Xylaires (du grec xylon, « bois »), se retrouvent, comme leur nom l’indique, le bois mort qu’ils décomposent.

De formes très diverses -globulaires, filamenteux, coralliens-, ils s’apparentent généralement à de petites massues dures comme du bois, comme le commun Xylaria telfairii. Cette espèce se reconnaît à ses massues brun à crème pouvant mesurer jusqu’à 7 cm et être large comme le petit doigt.

On voit parfois paraître de petits points blancs sur ces massues : ce sont les conidies, des spores qui permettent au champignon de se reproduire de façon asexuée.